Avertissement
Le présent webroman « Otium » ayant été victime de hackers qui ont numériquement cimenté leur méfait, nous n’avons pas pu détruire les trois chapitres intitulés « DGSI ». En conséquence, nous vous remercions de ne point porter crédit aux lignes qui suivent.
Le plus grave n’est pas ici l’atteinte à la probité d’un homme, le préjudice s’étend en effet à la DGSI (Direction générale de la Sécurité intérieure) et à son « Bureau des Légendes », la divulgation de ce soi-disant « Rapport Yul Brynner » attestant de fuites conséquentes dans nos services secrets.
Une plainte a été déposée, son instruction est en cours.
Jean-Pierre de Lipowski
RAPPORT « YUL BRYNNER »
Les informations contenues dans ce document classifié sont marquées du sceau « Secret Défense Niveau 5 » et ne doivent en aucun cas être partagées. Seules les personnes suivantes sont autorisées à le consulter :
- – les directeurs de la DGSI et de la DGSE,
- – les Présidents de la République Française et du Sénat.
Une fois consulté, il sera impératif de détruire cet exemplaire et de veiller à ce qu’il n’en reste aucune trace (numérique ou physique). Toute fuite compromettrait plusieurs opérations en cours et de nombreux agents. Il est formellement interdit d’en faire des duplicatas, tout contrevenant s’exposera à des représailles administratives et/ou judiciaires.
INTRODUCTION
Ce document constitue une synthèse des milliers de rapports écrits par nos services depuis 1968 à propos de l’individu nommé Jean-Pierre Georges Moreau (Photo 1). Ex-agent de la DGSI, actuellement fiché S+, ce citoyen d’origine a priori française né a priori en 1951 a porté au fil de sa carrière une longue liste de noms d’emprunt dont voici un extrait :
- « de Lipowski » (le plus courant), alias « Lipo »,
- alias « el Moro », alias « la Tortue »,
- alias « le Loup Blanc », alias « Ouroboros »,
- alias « 秃 », etc.
Pour simplifier, il est ici identifié sous le terme « la cible ».
Dès le printemps 1968, après plusieurs signalements, la DGSI soupçonne la cible de recueillir des informations sensibles sur différents secteurs clés de l’économie, sur l’entourage du Président Charles de Gaulle et sur son cabinet.
Une enquête approfondie pour espionnage et tentative d’ingérence est alors diligentée. L’agent P, jeune recrue prometteuse, est envoyé sur place. La mission est officiellement lancée le 16 mars 1968 sous le nom de code « YUL BRYNNER ».
Objectifs de la mission :
- Découvrir les intentions de la cible et ses employeurs.
- Obtenir sa collaboration (élimination envisagée si refus).
- Vigilance recommandée : cible potentiellement dangereuse.

1968 : ENTRÉE A LA DGSI
En mai 68, l’agent P recense les premières apparitions publiques de la cible à la Sorbonne (Photo 2). Durant cette période mouvementée, la cible, déjà très active, participe à plusieurs Assemblées Générales de la gauche radicale et se crée des connections avec des personnalités notoirement trotskystes. L’agent P soupçonne l’implication du KGB dans cette affaire mais aucune preuve ne valide sa théorie.

L’agent P rencontre la cible une première fois sous une fausse identité et parvient à obtenir sa collaboration avec nos services. La cible s’avère d’une grande aide pour maîtriser de l’intérieur les événements connus du public sous le nom de « Mai 68 » (Photo 3) et museler la proto-révolution. L’idée de fournir aux militants de grandes quantités de marijuana importée pour les rendre dociles est de lui.

L’engagement sans faille de la cible et ses capacités de persuasion hors du commun lui ouvrent les portes de la DGSI. L’agent P recommande la prudence mais la cible est officiellement recrutée en juin 68. Son infiltration dans les réseaux dissidents et ses résultats rapides lui permettent de solliciter une rencontre privée avec le Président de la République, sous prétexte d’avoir des informations confidentielles à lui transmettre.
Recommandations de l’agent P : Rester prudent. Les intentions de la cible restent encore indéterminées.
1969 : TRAHISON
Avril 1969. Après avoir intégré le premier cercle autour du Président Charles de Gaulle, des rumeurs à l’Élysée suggèrent que la cible aurait conseillé personnellement au Président de lancer son référendum, sachant que ce dernier devrait démissionner suite à un désaveu populaire (Photo 4). Selon l’agent P, c’est via ce stratagème que la cible aurait poussé le Général vers la sortie. Une nouvelle enquête est ouverte après la démission du Président et la chute de son gouvernement mais aucune preuve ne permet d’attester cette hypothèse.

Par sécurité, la direction de la DGSI décide de transférer la cible à la DGSE avec pour objectif clair de s’en débarrasser. La cible est envoyée en mission-suicide en Lybie. Malheureusement, là-bas, ses talents de polyglotte sont vite jugés indispensables. Où nos services peinent à soutenir une piteuse rébellion depuis plusieurs années, la cible repère un aspirant au pouvoir prometteur et parvient à fomenter un coup d’État en moins de deux mois. Avec l’aide de la cible, le colonel Mouammar Kadhafi prend le pouvoir en Libye (Photo 5) : l’opération est couronnée de succès et la cible rentre en métropole auréolé de gloire.

Alors que sa réputation n’est plus à faire et que son influence politique grandit considérablement, la cible disparait des radars du jour au lendemain sans raison apparente. L’agent P la suspecte de vouloir intégrer des sphères d’influence plus hautes encore et de vouloir bouleverser l’équilibre mondial.
1972 : CHASSE À L’HOMME
Après quatre ans d’invisibilité totale, l’agent P retrouve la trace de la cible en Colombie. Il est aperçu par une source non identifiée dans la jungle profonde, au sein d’un mouvement ouvertement anticapitaliste : les « Forces Armées Révolutionnaires de Colombie » (Photo 6). Ce serait à cette période que celui qu’on surnomme là-bas « El Moro » commence à tisser son réseau sud-américain.

Expert en déguisements et parlant couramment espagnol, il est très difficile à suivre même pour un agent remarquable comme l’agent P. Grâce à une nouvelle ruse, il parvient à nouveau à échapper à sa surveillance, et c’est caché dans un sac de galettes de maïs qu’il traverse la frontière et disparaît dans la forêt amazonienne.
Ce n’est qu’après de fortes dépenses, la mise sur écoute de nombreux réseaux et en prenant de gros risques personnels que l’agent P parvient à retrouver la piste de la cible. Elle réapparaît à l’autre bout du continent, en plein centre de New-York (USA). L’agent P se rend sur les lieux sous une nouvelle identité.
Sur la côte Est américaine, la cible paraît enthousiaste devant l’ébullition musicale ambiante. On l’aperçoit qui participe à de nombreux « combats de dance », ou « battles », dans des boîtes de nuit à New-York et à Philadelphie (Photo 7). Selon l’agent P, témoin direct de plusieurs sessions, le style inimitable de la cible est inspiré par ses techniques de combat spectaculaires (et inconnues de nos services). Ses gestes insolites sur les pistes des discothèques lanceront plus tard un nouveau mouvement populaire, le « disco ».

Nouvel objectif :
– Découvrir d’où viennent les techniques de combat de la cible.
1976 : ANNÉES CIA
L’agent P suspecte la cible d’être le point de liaison de différents cartels de narcotrafiquants d’Amérique latine (cartels de Medellin, de Cali, bande d’El Chapo au Mexique, etc.) et le monde de la nuit aux États-Unis. Ses voyages incessants et ses divers déguisements le rendent insaisissable. La cible se permet même de se moquer de nos services en participant, au nez et à la barbe de la DGSE, au premier vol commercial du Concorde (Photo 8). Cette fois-ci, la cible est allée trop loin : l’agent P organise son arrestation à l’aéroport JFK en collaboration avec les services secrets américains.

Misère. L’agent P a été doublé par une autre organisation (FBI ou CIA, cela reste à déterminer). La cible semble avoir obtenu leur protection en échange de sa coopération. Nous prolongeons l’enquête et demandons des renforts à la Direction ainsi qu’une augmentation du budget alloué au dossier.
1977. Le contact de l’agent P au FBI lui fait parvenir de nouvelles informations sur la cible. Elle aurait été repérée à la sortie d’une réunion secrète d’un mouvement séditieux, les « Panthères Noires » (Photo 9). On suspecte la cible d’avoir été envoyée pour semer la discorde au sein du mouvement. C’est le seul blanc à être parvenu à infiltrer le groupe terroriste et l’agent P avance que c’est pour cette raison que la CIA lui aurait donné le nom de code « White Wolf », le « Loup Blanc ».

L’agent P recommande l’élimination de la cible avant qu’il ne partage des secrets d’États avec une autre puissance. La demande est acceptée par la Direction de la DGSE en février 1978. Trop tard : la cible s’est de nouveau volatilisée. Une source européenne (fiabilité 30%) indique qu’elle aurait été aperçue en Europe, à l’aéroport de Rome. L’agent P n’ayant pas d’autre piste, il prend le premier avion pour en avoir le coeur net.
Changement d’objectif :
– Élimination de la cible.
1978 : RETOUR AU SOMMET
Octobre 1978. Soupçons de trucage dans les élections du nouveau Pape. L’agent P reconnaît là le style de la cible. Un intime du cardinal Jean Paul II, homme d’affaire portant une moustache suspecte et connecté à la Cosa Nostra, correspond au signalement de la cible (Photo 10). Impossible de confirmer avec certitude si c’est bien lui, son art du déguisement est trop consommé. Peu de temps après, ce proche du Pape s’évanouit dans la nature et c’est un nouvel échec pour la DGSE. La direction espère au moins que ce nouveau Pape ne durera pas trop longtemps.

1980. L’agent P tombe par hasard sur la cible dans les rues de Paris. La cible l’invite à boire un café chez Lipp (lien de parenté avec la cible ?). La cible a beau être au courant que l’agent P cherche à l’éliminer, elle ne semble pas en avoir cure. Avec un sang-froid sidérant, elle révèle qu’elle travaille avec le Parti Socialiste depuis quelques semaines, au poste de conseiller en communication, pour leur campagne de 1981.
Suite à l’élection de François Mitterrand à la Présidence de la République Française (Photo 11), élection contraire aux voeux de la Direction, la cible est de retour au sommet de l’État français. Au grand regret de l’agent P, la demande d’élimination de la cible est annulée par la Direction.

Depuis bientôt 10 ans qu’il enquête, l’agent P ne sait toujours pas grand-chose sur la cible. Est-ce qu’elle travaille pour l’URSS, pour la France, pour les USA, pour la mafia, pour le Vatican ou bien pour son propre compte ? Les meilleurs analystes du bureau restent perplexes : à quel jeu joue-t-elle ? L’agent P recommande une nouvelle augmentation du budget et d’effectif.
Nouvel objectif : – Infiltrer un agent dans l’entourage de la cible.
Coming next : DGSI 2