Le « Berthe Morisot » de Manet
Avant de retrouver Caroline parlant de son travail, un mot de Jean-Pierre :
« Cette copie de Berthe Morisot, de Manet, peinte par Caroline (2014), arrive en tout premier dans cette galerie virtuelle car ce tableau est en fait à la genèse des choses.
Un beau jour de 1984, alors que nous vivions ensemble depuis à peine quelques semaines, je vois Caroline attraper une feuille et, reproduction du Manet sous les yeux, fusain en main, me dessiner en trois coups de cuillère à pot une Berthe Morisot. Un peu scotché quand même par la qualité de la prestation, et l’aisance évidente, je lui demande si elle a pris des cours de dessin. « Non, me dit-elle mais j’aime bien ».
D’accord…
Moi, si on me demande de faire la Berthe, j’accouche, au mieux, de la tête à Toto avec une choucroute noire dessus. Caroline non, elle t’esquisse quelque chose frôlant le Manet. Point à la ligne.
A partir de ce jour, je savais que j’avais là, à mes côtés, une peintre en puissance. Ensuite, dans les trente ans qui ont suivi, prise par la vie, l’amour, la coiffure, comme disait Saint Coluche (qui oublie au passage les enfants dans son inventaire), elle n’eut guère le temps de s’adonner à ce qui n’était pour elle qu’un hobby. Mais je savais, moi, qu’une fois replié l’inventaire à la Coluche, une fois à la lumière de notre Drôme provençale, il serait temps, bien temps, de lui offrir une blouse blanche pour épargner ses pulls pure laine de l’acrylique pure peinture. Ce que je fis. Pour notre plus grand plaisir. Partagé.»
Caroline : Cette Berthe Morisot fut l’un de mes tout premiers tableaux, une toile où j’apprécie le contraste joué par Manet entre clair-obscur du visage et noir tranchant de la robe.
(Rappel : pour agrandir une image, cliquez dessus.)
Mes deux garçons
Qu’est-ce qui vous accroche, vous inspire dans une photo ? Le cadre, la lumière, la grâce de l’instant… Tout y était ce jour là. Nous sommes en 2015, en terrasse d’une auberge, attablés avec mes deux garçons, il fait beau, état de grâce.
Le cadet à gauche, l’aîné à droite… Ils sont mignons, beaux, tous deux, avec leur sourire, leurs yeux qui pétillent.
Je trouve que cette toile est intéressante dans l’évolution de mon travail. J’accouche par exemple de bizarreries avec les bras, le corps, ce qui fait que les têtes sont parfois disproportionnées avec le buste, ou donne un bras malingre.
Hugo, ici, était plus facile car face objectif ; en revanche son frangin, corps de travers, épaule en avant, offrait un pose moins aisée à retranscrire. Cela touche aux difficultés de la perspective, et au rapport à l’espace, un de mes handicaps au volant d’une voiture. Je n’ai aucun sens de l’orientation, par exemple, et cela me poursuit parfois jusqu’au pinceau. Jean-Pierre, qui aime à positiver, dira que la sage exploitation de ses défauts amène à l’originalité. C’est ce type de sentence qui aide à accepter les étrangetés d’une toile, et qui vous permet d’arrêter d’y travailler sans cesse. Au final, j’aime bien cette toile, et puis ce sont mes enfants…
Déesse africaine
Claire Doussot est une habituée de notre cours de peinture piloté par Nadine Nacinovic. Je l’ai affublée d’un chapeau peu courant, à dreadlocks, elle s’est laissé faire.
Ce chapeau est historiquement rentré dans Cinecitta, ma boutique, sur la tête d’une belle sénégalaise. J’ai immédiatement flashé. Le lendemain, la belle sénégalaise revenait pour m’offrir un chapeau identique. Pas évident toutefois à porter en ville, le couvre-chef, aussi a-t-il figuré longtemps, telle une œuvre chapelière, accroché au mur.
Ce jour là, en séance de pose dans l’atelier peinture, j’ai transformé Claire en déesse africaine. Figurent ici des zones de couleur, avec leurs aplats rouge, bleu, jaune, volontairement tranchés. Si l’on regarde attentivement, on remarquera que la partie jaune dessine un autre visage, comme si un nouveau personnage était en premier plan et observait Claire.
Comme dans d’autres toiles, on retrouve ici mes petits bras… En fait je dois être une peintre petits bras. C’est un genre.
Ousmane Sow
Pour moi, Ousmane Sow est le Rodin africain, soit un des grands sculpteurs de notre époque, et pas uniquement par la taille (deux mètres de haut quand même). On se souviendra de son installation sur le Pont des Arts à Paris (1999) qui remporta un tel succès (3 millions de visiteurs…) que la police dut intervenir pour canaliser la foule. Cette expo du Pont des Arts était organisée par notre amie Béatrice Soulé, sa compagne. Ousmane, salué par ses pairs au point d’être élu académicien en 2013, nous a quittés en décembre 2016.
A la suite de cette disparition, Béatrice a reçu des centaines de témoignages d’amitié, dont le nôtre bien sûr, à tel point qu’elle a choisi de répondre par un email de remerciement commun, accompagné des quelques photos du grand homme. Et très bel homme.
J’ai été tellement subjuguée par ces photos que, spontanément, je suis partie à en mettre une en peinture, en hommage, respectueux, au sculptural talent d’Ousmane.
Christian Richard Homeland
Nous n’avons pas affaire ici à Mandy Patinkin, l’interprète du rôle de « Saul Berenson », le charismatique patron de la CIA dans la série « Homeland », non, pas du tout, c’est son sosie : notre ami Christian Richard. Et il n’émarge pas dans les services secrets mais dans les jardins (notamment dans le mien) au titre de paysagiste. D’où les gants, de jardin.
Outre que sous les gants il a la main verte (formation de biologiste pour application à l’agriculture), c’est un amour d’homme, avec son regard profond et pétillant.
Passées les premières études et esquisses, et ayant maîtrisé ledit regard, j’ai opté pour un fond ocre, bien décroché, ombre et lumière, de notre personnage. On m’a fait des éloges pour la finesse des motifs de sa chemise, j’ai remercié, restant humble, mais en fait, j’ai biaisé… C’est de la serviette en papier, collée… Cette œuvre est donc une coproduction « de Lipowski / Super U », le supermarché d’où proviennent les serviettes.
Le Péruvien
Jean-Pierre part ici au bureau, comprendre son chalet d’écrivain. Dans le panier, un bouquin, son ordinateur et tout un fouillis de trucs et de bidules (fouillis qui lui interdit de se moquer du bazar qu’il y a dans mon propre sac à main). Le bonnet lui a été offert par notre fils Hugo à son retour d’un voyage au Pérou. Si vous rajoutez le survêtement pure laine et les basquets à velcro, on conviendra qu’il a une sacrée dégaine… Que je ne pouvais pas rater. Quand j’ai pris la photo en pied, je lui ai demandé de sourire. Il m’a dit « Ok » et il a produit ce qu’il estime être un sourire, soit un rictus un rien grimaçant. Jean-Pierre aime à rire mais pour le sourire, faut bosser. Il s’excuse en disant : « J’ai des petites lèvres, ce qui donne un sourire niais, si ce n’est absent ». Donc, j’ai dû refaire une séance « sourire » avec une nouvelle photo en gros plan et, au bout d’une quinzaine de clichés, on a enfin sorti le sourire. Mais oui, faut bosser.
Claire Doussot
On retrouve ici Claire Doussot, découverte plus haut en déesse africaine.
Dans notre atelier peinture, je préfère travailler d’après photo car je peux être lente et, tout le monde étant là pour peindre, je ne vais pas bloquer une de mes copines dans une pose de deux heures.
Cette belle femme, aussi lumineuse que son prénom, est ici peinte hors cadre. Pourquoi me direz-vous ? Je vous répondrai que je ne sais pas. C’est en rapport, j’imagine, avec ma problématique sur les perspectives et la géométrie qui en ressort, sous-tendu par mes pulsions d’échapper au cadre, justement.
On retrouve aussi mon réflexe de prééminence de la tête sur le buste, avec cette ovalisation outrée du visage et ses immenses lunettes qui n’occultent toutefois pas le regard moqueur que Claire a sur la photo.
Madame Monet et son fils
Madame Monet et son fils, peints par qui ? Claude Monet, vous aviez deviné. Mais ici, c’est ma copie. Mes enfants, ayant constaté que j’aime à copier les maîtres, ont souhaité que je m’affaire pour eux. C’est Hugo qui voulait ce Monet. Difficile d’égaler la chose, d’autant que Monet peint à l’huile et moi à l’acrylique, ce qui fait qu’on a du mal à atteindre, dans les teintes, la profondeur de l’huile. Si on joue au jeu des 7 erreurs, on a vite fait de les trouver, mais j’étais toutefois assez satisfaite du rendu final. Et Hugo aussi en l’accrochant chez lui. Donc tout le monde il est content.
Nu couché
Arthur, mon aîné, aime quant à lui ce « Nu couché » de Modigliani. L’a bon goût, c’est un des tableaux rassemblant un max de suffrages dans le monde, d’où le fait que, par sa vente chez Christie’s à New York en 2015, il est rentré dans le « Top ten » des toiles les plus chères du monde. Ne pouvant être à New York en 2015, Arthur a jugé préférable d’en demander copie à sa mère. Elle n’est pas parfaite, certes, mais elle est quand même beaucoup plus accessible. En fait, une fois qu’on a le modèle, c’est un tableau assez facile à reproduire ; en calcul compensé (sur plusieurs jours), j’ai dû mettre quoi ? Une douzaine d’heures. La tâche est facilitée par ces grands aplats, chers à notre Italien de Montparnasse.
En revanche, on peut parfois être battu par la technologie, à savoir la colorimétrie des écrans d’ordinateur, voire les altérations de teintes qu’apporte la photo faite de l’original (tel le rouge dominant sur la photo chez Christie’s). Mais je n’avais que ça, il n’eût en effet pas été raisonnable de demander à Monsieur Liu Yiqian, l’homme d’affaire chinois acquéreur de la toile pour 170 millions de dollars, qu’il me la prête. Même pour 12 heures.
Réalisme aborigène
On pourrait croire que c’est du « Réalisme socialiste soviétique » bah non, si tendance indéniable au « culte de la personnalité » — cher à toutes les personnalités à culte —, ce tableau s’inscrit en fait dans du « Réalisme aborigène ». Derrière notre Mussolini du jour, on reconnaît en effet ce mystérieux rocher venu de nulle part pour atterrir en plein milieu du désert australien (350 mètres de haut sur 2,5 km de long quand même), un lieu sacré pour les Aborigènes qui l’ont dénommé « Uluru ». Notre fils Arthur n’a aucun respect pour le culte de la personnalité dû à son géniteur, à preuve le carrousel ci dessous avec les différentes adaptations qu’il nous a servies de la photo d’origine.
Le Dernier Mandrin
Toute une histoire, que ce Dernier Mandrin, une histoire d’ailleurs relatée ici même par Jean-Pierre dans son webroman Otium (1976 – Novembre, Le Dernier Mandrin).
L’écrivain Maurice Frot, ami de Jean-Pierre, raconte un beau jour la vie d’un sacré mauvais-garçon, authentique pégriot de l’après-guerre, dans un livre intitulé Le Dernier Mandrin. Un pur génie du dessin et de la peinture, aujourd’hui disparu, j’ai nommé Moebius, signe la couverture du bouquin.
Sans doute fascinée par la pose emblématique – outre la perfection moebusienne – qu’a retenue l’artiste pour cette couv’, je m’aventure à la reprendre en tableau, l’adapte avec ce qui me vient sur le moment, à savoir non plus un mur où s’adosse le personnage mais une sorte de sustentation sur du vide sablonneux ouvrant sur un fond d’Arizona façon Joconde, replaçant donc ce pégriot du 20e siècle dans un décor western, cohérent finalement avec sa stature de cow-boy, hors la loi et hors du temps. Fleur à la boutonnière.
Les deux Amish
Ce tableau est adapté d’une photo de l’américain George Tice qui, dans les années 70, fit toute une série de clichés sur la planète amish (celle qui fuit la modernité de la planète Terre). J’ai transposé son noir et blanc en tonalité sépia, tranchée par cette route rouge montant vers une maison évoquant les peintures d’Edward Hopper. Je pense que cette photo m’a inspirée parce qu’elle évoque mes deux propres garçons, un plus âgé que l’autre, avançant sur cette route (de la vie ?).
Cerise sur le gâteau, j’ai trouvé les deux mêmes enfants, de face, là encore saisis par l’œil de Tice.
Les Expats aussiens
Anouche et Bernard, un beau couple d’expats en Australie ; elle, Parisienne à l’origine, prof de français, et lui, Lyonnais et ingénieur en bâtiment. Ils sont tous deux désormais retirés du business, après 40 ans d’activité au pays des kangourous. Habitant la banlieue de Melbourne, nos deux amis se sont transformés en guides lors de notre séjour de 2016 en Aussie, le diminutif local pour cette île-continent.
Ce portrait, adapté de photos prises au bord de la baie Port Phillip, celle-là même qui baigne Melbourne, m’a posé quelques difficultés pour les regards, transparence des lunettes d’Anouche et paupières plissées pour Bernard qui prend le soleil en plein dans l’œil. Avec le recul, je me dis aussi que Bernard s’est un peu pris la grosse tête, malgré lui, à savoir que je lui ai fait la tête un peu plus grande qu’il ne l’a en réalité.
Cette toile s’est envolée, en pli protégé, jusqu’en Australie, où elle est désormais accrochée quelque part dans leur appart en bord de mer. Si vous voulez voir s’activer nos guides, vous pourrez les retrouver dans trois épisodes du film que nous avons ramené de là-bas :
– Prépa de balades dans le salon des expats, musée Ian Potter de Melbourne, et séance photo dont est tiré leur portrait : https://faisonssimple.com/les-lipowski-aussie-part-4/
– L’attaque des cacatoès blancs (grand moment !) : https://faisonssimple.com/les-lipowski-aussie-part-6/
– Visite de Melbourne en décapotable et time-slice des protagonistes : https://faisonssimple.com/les-lipowski-aussie-part-7/
Happy
Portait de Happy, le bouledogue anglais (importé avant Brexit) de mes amis Anne et Gilles Laumonnier. Il y a quelques années, j’avais prêté les murs de ma boutique à une expo des peintures de Nathalie Letulle, une très belle blonde dont la « puissance de frappe » impacte le spectateur, que ce soit par ses bestiaires charpentés, ou par ses visages taillés à la serpe. Ses ensembles, très contrastés, m’ont toujours fortement impressionnée.
Notamment un bouledogue de Nathalie, occupant tout l’espace, au point qu’on l’imagine repoussant du poitrail les limites de son cadre. Pour ce qui est de mon Happy, son fond rouge vif, lui-même encadré de blanc, joue ici un double contraste qui focalise l’œil sur notre personnage. A noter que Nathalie Letulle peint le plus souvent sur du skaï, ce que j’ai moi-même pratiqué (cf. « Les Rives de l’Arno » dans ExpoCaro/Paysages), ce qui donne un grain particulier aux toiles vu que le tissu plastifié renvoie la lumière bien différemment qu’une toile de lin.
Les Mousset
Marie-Anne et Christian Mousset, nos amis désormais installés à La Rochelle. Un fucking (pour ne pas dire « putain ») de bon couple : regardez le regard qu’ils s’échangent après plusieurs décennie de mariage, voire la gourmandise sur les lèvres de Christian, et l’espièglerie dans les yeux de Marie-Anne. C’est ladite espièglerie qui m’a donné le plus de mal, pour l’éclat du regard, renforcé par la coquinerie du sourire. Christian a été peint assez vite, car il est de profil et ça, c’est plus facile que de face ; sur Marie-Anne, en revanche, j’ai souffert. Si ce n’était que moi, j’aurais bien conservé la toile plus longtemps pour encore affiner madame ; mais on partait les rejoindre à La Rochelle, donc il fallait livrer. Le fond, comme souvent, m’a été problème. Je suis partie au rouge, pour contraste avec leurs vêtements sombres, puis, non satisfaite, je suis allée vers le bleu, pour finalement racheter des serviettes de table papier au Super U ; ils ont pas mal de choix.
Le beau gosse
Portrait de Raphaël Aron, le fils de nos amis Andréa et Pascal Aron. Raphaël, découvrant le portrait de mes deux garçons, s’est spontanément écrié : « Je veux la même chose ! » Aussitôt dit, presque aussitôt fait, il y eut en effet quelques esquisses au préalable, l’important étant — comme toujours dans les portraits — de bien saisir le regard. Hors de question d’ailleurs de rater la lumière dans son œil vu que le grand-père de Raphaël, Ricardo Aronovitch, de Buñuel à Scola en passant par Costa Gavras, est un des grands directeurs photo de notre 20e siècle.
Badauds bandeau
Ce bandeau plein de badauds est particulièrement apprécié par son premier public : Jean-Pierre. Partie de tout un tas de silhouettes de personnages épars, je les ai agencées au sein d’un même espace, et tout ça fut peint en deux coups de cuillère à pot. De là à penser que mon mari n’aime que les toiles « spontanées », soit peintes « à l’arrache », et qu’il apprécie moins le figuratif plus travaillé, il n’y a qu’un pas, que nous ne franchirons pas car en fait il apprécie les deux. Tout ça reste une question de « sens ». Avec le figuratif, pas de problème, le sens est inclus dans la toile. En général. Mais quel sens, quelle histoire dans ce « Badauds bandeau » ? Un univers urbain, a priori, où nos fourmis humaines se croisent au sein de leur solitude… Pourquoi pas. A vrai dire, je ne sais pas. Dans ce monde qui n’a pas de sens, pourquoi d’ailleurs vouloir en donner à un tableau ? C’était notre rubrique « La question est plus facile que la réponse ».
Odette
Odette, c’est ma tata. Préférée. En même temps, j’en ai qu’une. Odette a un fils, Serge, mon cousin donc, photographe hyper doué. C’est lui qui a réalisé la photo qui m’a servi de modèle. On n’est pas dans le noir et blanc mais dans le bleu et blanc. Et bien sûr ici, on replonge en plein dans l’exercice de drapé, de la robe de ma tante au rideau. Gros boulot, en finesse, sur le tergal, et j’attire votre attention sur le dégradé de teinte du visage. D’autant que la couleur de la peau est souvent, voire toujours, une fichue problématique en peinture. Ce tableau figure désormais en bonne place, chez elle, au Grau-du-Roi.
Schiele, femme assise
Cette copie du tableau d’Egon Schiele, « La Femme assise », n’est ici pas une commande. Ou alors si, mais de moi, pour moi. J’adore cet Autrichien, enlevé trop tôt, comme on dit, à l’affection des siens (28 ans…) et ce fut un plaisir de fusionner quelques jours avec sa main et son esprit pour cette toile. Je n’ai pas manqué par la suite d’aller le visiter à Vienne, lui et son pote Klimt. Deux brutes de peinture.
Silhouettes ocres
Lors d’une séance d’impro avec mes camarades à l’atelier de Nadine Nacinovic, il fut à nouveau question de « Silhouettes », disparates en l’occurrence. J’ai choisi de toutes les rassembler, stylisées, sur ce fond ocre évoquant une terre africaine. J’ai ici certainement été influencée par une toile qui trône au-dessus de ma cheminée, toile due à Muriel Dorembus, et que j’apprécie par sa finesse, et le rythme insufflé par cette file non pas indienne mais africaine.
Touareg pique-nique
Une toile de facture moderne, comme ce « Touareg pique-nique », est quand même bien plus rapide à peindre que n’importe quel tableau de la Grande Galerie du Louvre. De là à penser que l’art contemporain, dans son épure, est l’affaire d’artistes pressés (notamment de vendre, car il faut manger…) il n’y a qu’un pas, méchant, que je vous laisse faire, ou pas. Ce Touareg a dû me prendre deux heures et, malgré le fait que j’attache souvent plus de valeur aux choses qui me furent laborieuses, je l’aime bien, pour son regard hypnotique, pour la tourmente de ses aplats de matières. On est autorisé à me dire : « Où êtes-vous allez chercher le titre de cette toile ? » Le Touareg, c’est clair ; quant au pique-nique, il est dû au fait que la tête de notre Bédouin repose sur une véritable assiette en carton sauvegardée d’un pique-nique. CQFD.
Chinoise en rideau
Suite de l’exotisme avec ce portrait, en « plan américain » (que le Parti communiste chinois m’excuse, ça s’appelle comme ça) d’une chinoise. En fait, ce portrait est adapté d’une série de photos asiatiques réalisée par Titouan Lamazou, qui donc n’est pas uniquement navigateur. Pour mettre les choses en perspective, j’ai rajouté ces pans de rideaux en premier plan, notre chinoise est ainsi surprise avec son bol de soupe. Si c’était du riz, elle aurait des baguettes.
Roi de rats
Cette peinture a été réalisée pour la couverture du roman de mon écrivain d’époux : «Pure et simple ». Il y est question de deux personnages liés à la vie à la mort. En allégorie de ça, apparaît au sein du roman un « Roi de rats », à savoir l’évocation de ce mystère de la nature que l’on retrouve en photo ci-dessous, un paquet de rats qui, rarement, est découvert au fin fond d’un égout. Ces rats sont donc liés à la vie (courte en ce qui les concerne) et surtout à la mort.
Claire Gilson
Quand on connaît un tant soit peu Claire Gilson, on se dit que ce tableau, en mouvement, lui convient assez bien. Quelle énergie, vitale, sensuelle, dans cette femme, clown inspiré, extravertie volubile ! A la prime jeunesse, avec un tel tempérament, Claire hésita entre comédie et beaux-arts. L’art de la scène, où son charisme eût fait des merveilles, elle le transmit à sa fille, Elise Marie, aujourd’hui comédienne. Claire prit donc le parti de l’art, contemporain, dont elle devint par la suite une spécialiste. Patentée.
Cette toile, contrairement à d’autres, a été peinte rapidement, car clic-clac de l’instantané-photo, suivie de ma pulsion pour reprendre son bleu – une couleur aussi électrique qu’elle – et saluer ce clown-poète en peinture.
Je me suis évertuée à redonner le mouvement – pas sûr pour autant d’avoir bien su le rendre – mais je pense toutefois avoir saisi un peu de l’ironie de son œil.
Janie Foucault
Pleine de vie, expansive, Janie Foucault est une autre copine de l’atelier Nacinovic.
Au chevalet, blouse tachetée d’une explosion de peinture au point qu’elle semble porter une de ses toiles, peintre appliquée, précise, pointilleuse et l’oeil aux détails, elle se plaint d’être bordélique, ce sont ses propres termes.
En fait, elle se défoule car c’est une bordélique en lutte avec elle-même ; pour peu en effet qu’on aille la visiter chez elle, on découvre que tout y est parfaitement nickel, genre mangeons par terre, c’est propre.
Je l’ai pas trop mal attrapée, je crois, bien qu’elle ressorte ici un peu plus sombre qu’elle n’est au réel, ses yeux, sa bouche étant en général tout sourire.
Deux ans plus tard, je remettais le couvert pour une nouvelle « Janie Foucault » mais ce coup ci avec une version « à l’arrache », bien plus brute, peinte en deux heures de temps. Moi, j’aime bien les deux versions, mais l’une peut-être plus que l’autre. Les goûts et les couleurs, comme on le sait, dépendant de chacun, je me garderais bien de vous dire laquelle.
Josette Ruiz
Encore un personnage que Josette Ruiz, ma voisine à Dieulefit. Énergique, infatigable, une déesse Shiva avec une tripotée de bras car elle fait x choses en même temps, court dans tous les sens, n’a peur de rien, à la fois maman pour tout le monde et Manoute-gâteau idéale pour ses petits-enfants. C’est Josette qui m’a fait découvrir les cours de Nadine Nacinovic.
J’ai réussi à la faire asseoir une minute, le temps de prendre la photo, pas facile. Son énergie se retrouve, il me semble, dans son portrait, ou elle affiche la souriante sensualité de la méditerranéenne qu’elle est de naissance.
Paulo
Pourquoi n’y aurait-il que des humains dont on fait le portrait ? Paulo, c’est le chien du fils de ma voisine Josette Ruiz. Dès que ledit fils – François-Joseph Ruiz – visite ses parents, Paulo court jusqu’à chez nous pour jouer à la baballe, au lancer de bâtons ou engloutir en deux coups de langue les croquettes de notre chatte. Insatiable et trop mignon, un amour de chien, d’une race hybride car mélange entre Golden Retriever, Bouvier Bernois et/ou Labrador, on ne sait pas vraiment, il eût fallu être là quand se sont rencontrés ses parents.
Je ne suis pas sûre que cette toile résiste au temps car, curieuse d’essayer des supports différents, je l’ai peinte sur le couvercle d’une grande caisse en plastique et elle commence à s’écailler. Ce tableau, noir et blanc – normal vu que Paulo est tout noir – offre deux discrètes taches de couleur, en bout de langue et sur le collier.
Nicole Saltet
Calme, sereine, et d’apparence sérieuse – une apparence un peu trompeuse – Nicole est représentée ici dans sa tenue de combat préférée.
Apparence certes trompeuse car, quand on voit ses toiles, un déferlement de teintes, abstraites, fuyant le figuratif, débordantes d’énergie, on se dit qu’elle avance masquée, derrière son pinceau cachant la forêt de sa palette de couleurs.
Elle déploie une aura que, pour ma part, je ressens en bleu, aussi bleu que ses yeux clairs. D’où cette dominante dans les gris-bleu où vient s’inscrire la longue et élégante silhouette de cette femme douce et souriante.
Régine
On a des natures quand même à l’atelier de peinture, et Régine n’est pas la dernière du genre.
C’est une marrante, de caractère, et une râleuse si le thème du jour, proposé par Nadine Nacinovic, ne lui convient pas. On rigole vraiment avec elle bien qu’elle ait une particularité qui m’énerve : elle parle parfaitement anglais, car mariée avec un Britannique, et pour moi qui n’Assimil cette langue qu’avec grande difficulté, ça m’en casse le moral.
Ce jour là à l’atelier, la discussion était partie sur Modigliani. Du coup, restant dans l’esprit du Peintre maudit, j’ai tiré sur le tablier que Régine porte au cou et tenté d’approcher les courbes ovales de l’Italo-montparnassien, sans toutefois le suivre – ou pouvoir le suivre – dans la longiligne épure de son style. Une lumière rasante lui arrivait en contre d’où le léger décrochement de sa tignasse sur le fond. Et puis ce sourire, en coin, où l’on peut peut-être retrouver les lèvres, pourpres ou pincées, des toiles de Modigliani.
Sylvie Drieu
Une duchesse que ma copine Sylvie Drieu. Je trouve que son portrait est mieux que la photo d’où il est tiré car elle avait le soleil pleine face et cela lui faisait plisser les yeux, la toile efface pour partie ce rictus.
On est dans les bleu-gris, et dans l’épure d’une silhouette longue qui ne fait ici que respecter la grâce longiligne de cette danseuse de métier, aux gestes et au port de duchesse, comme évoqué plus haut, soit en quelque sorte l’élégance en déformation professionnelle (à moins que ce ne soit de naissance et que la danse, pour elle, n’ait été qu’une suite logique d’une grâce innée). Elle s’est mise récemment à la peinture avec tout de suite une aisance, une personnalité étonnante, pour quelqu’un sans pratique antérieure.
Avec la touche de ce sourcil levé qui pimente son oeil, j’ai voulu rendre l’éclair sarcastique que peut avoir son regard. Même avec le soleil dans les yeux.
Anne Beyens
Dans l’atelier peinture de Nadine Nacinovic, on aime à faire des portraits croisés, comprendre tout simplement que l’on se peint les unes les autres. Ici, on a Anne Beyens à son chevalet. Femme de contraste, énergique, déterminée, à la fois douce et pétillante, un volcan under control, Anne n’est pour autant pas fixée dans un style pictural car toujours en recherche. Et elle est très douée. Son énergie se retrouve dans le portrait qu’elle a fait de moi et qui figure juste en-dessous de celui-ci.
Outre une tonalité dans les blancs et gris, on retrouve là ma mise en avant de la tête par rapport au buste.
A une autre séance de pose, Anne est venu avec ses parents en guise de modèles pour tout le monde. Ils sont restés deux heures durant sur un canapé à jouer les statues, disponibles et adorables car la pose était fatigante pour des gens de leur âge. On les retrouve ici, en amoureux, dans le pastel que j’ai esquissé d’eux.
Tout en camion
On aura bien sûr reconnu le fils du pharaon Akhenaton: Toutânkhamon, célèbre pas tant pour son règne, apparemment banal, que pour le découverte de sa sépulture en 1922.
Avec sarcophage enluminé d’or, et trésor à l’avenant. Avec ce portrait (d’une nature sérieusement morte), j’ai répondu à une commande, celle d’un enfant de sept ans. A cet âge, on s’attendrait plutôt à ce qu’il réclame un personnage de Manga, mais non, c’est un “classique”. Ca doit venir des parents.
Carrousel fusain
Dans le carrousel qui suit, on retrouve des travaux noir et blanc (fusain et crayon) que j’ai baptisés un peu à l’emporte pièce, je l’avoue. L’un s’appelle « François Hollande » (je ne lui ai guère arrangé le nez, j’en conviens), le second « Cochise » et les derniers « L’Anglais 1 » et « L’Anglais 2 » (sans grande originalité, le modèle était Anglais). Ce travail au fusain n’est pas ma cup of tea, d’ordinaire, mais il présente un avantage, c’est vite réalisé (réglé en effet en peu de temps, contrairement à certains tableaux qui n’en finissent pas de ne pas se finir). Et puis j’avoue bien aimer le fusain…
Carotline
Autoportrait peint à l’impulsion, en une heure chez ma copine Claire Gilson, je m’y suis rajeunie, embellie ; j’y ai quoi, trente ans ? Avec une seule narine bien que, au réel, je pense en avoir deux.
Au-delà de l’espièglerie du regard, renforcé par la mono-narine – espièglerie qui est un peu moi, j’avoue -, on y retrouve des couleurs que j’affectionne, soit les reflets rouges de ma tignasse rouquine (ce qui me vaut le surnom de Carotline donné par mes garçons), et les marrons, ocres ou terre de Sienne.
L’Atelier de Nadine
On évoque beaucoup l’Atelier de Nadine Nacinovic dans ces pages, aussi je tenais à vous présenter, élevés en peinture, mes camarades de classe.
Rangée du haut, de gauche à droite, Nadine Nacinovic en personne, Claire Doussot, Daniel Greuzard, puis moi-même, Caroline, et enfin Claire Parsons ; au premier plan, Jean-Pierre Compère, en charge de la poussette, Régine et enfin Claire Gilson. Tout le monde a la banane, c’est vrai qu’on rigole bien.
Nadine Nacinovic
J’ai commis, c’est le cas de le dire, un portrait de Nadine, mais je n’en suis pas satisfaite, donc tant que pas repris, je le cache. Que cela ne vous empêche pas toutefois d’aller voir son très beau travail sur le site Nadine Nacinovic.
L’expo « La Ferme des Dames »
En janvier 2018, Nadine Nacinovic, en partenariat avec le service culturel de la mairie de Montélimar, organise une expo où une majeure partie de ses « élèves » présente leurs toiles. On retrouve ci-dessous le reportage qui fut fait sur cette expo qui connût, durant deux semaines, un authentique succès.
Vous venez de voir la première partie, à savoir les « Portraits », maintenant on enchaîne sur la suite, « les Paysages », en cliquant sur le lien ci-dessous.
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