DGSI 3

2011 : LE REPOS DU GUERRIER ?

2011. Début février, la cible aurait été aperçue par un agent de nos services sur la place Tahrir, au Caire, en Égypte (Photo 31) en plein Printemps Arabe. « Certes cela correspond à son style, mais c’est néanmoins impossible », répond l’agent P. Il en veut pour preuve que la cible n’a pas quitté sa résidence depuis plusieurs mois, excepté pour faire des courses. « Probablement un sosie. » Cette théorie est validée par la Direction.

2013. La cible semble s’être doucement retirée des affaires politiques. Elle se contente à présent d’une activité de mécène et ses rares sorties lui permettent de rencontrer quelques artistes mineurs de la scène française et internationale (Photo 32). Visiblement très impressionnés par cette rencontre, les Daft Punk ont demandé à la cible un autographe mais cette dernière a poliment refusé.

Les années qui suivent, la cible devient en apparence un retraité modèle (Photo 33). Il ne se passe pas grand-chose d’intéressant. L’agent P ne repère aucune activité illicite et la cible semble juste occupée à son jardin. Elle ne s’occupe ni du Brexit ni de l’élection de Donald Trump aux États-Unis. L’agent P reste persuadé que la cible continue d’une manière ou d’une autre ses activités illicites même si tout indique le contraire.

Recommandations de l’agent P :

– Ne pas relâcher la vigilance.


2017 : PIRATERIE

2017. En janvier, La cible sort de sa retraite pour une soi-disant visite de courtoisie au QG de campagne d’Emmanuel Macron, l’ex-ministre de l’économie du Président François Hollande (Photo 34). Simultanément, le système informatique de l’Assemblée Nationale est piraté et des archives concernant les élus sont extraits par une adresse IP inconnue. Peu de temps après, le 25 janvier, le scandale du « Pénélope Gate » éclate et François Fillon, favori pour les présidentielles, est mis en examen. L’agent P décèle un lien évident entre ces trois événements mais la Direction écarte cette théorie, jugée fumeuse.   

En novembre 2018, l’algorithme de détection des visages de la DGSI identifie la cible Place de l’Étoile à Paris, au milieu d’une manifestation des Gilets Jaunes (Photo 35) et sur plusieurs ronds-points. L’agent P est perplexe : la cible est sensée être toujours chez elle, dans sa résidence drômoise. « Sûrement un bug informatique. »

L’agent P soumet une nouvelle théorie : la cible aurait « virtualisé » ses activités et participerait activement aux bouleversements de ces dernières années directement depuis sa résidence, via Internet. La Direction prend note mais reste partagée sur le sujet. Certains membres du conseil veulent clôturer l’opération, dont le coût paraît excessivement élevé pour la surveillance d’un seul individu. En réaction à cette volonté de réduire le budget de l’opération, l’agent P menace de démissionner.

Recommandations de l’agent P :

– Envoyer une équipe vérifier s’il existe des accès cachés à la résidence de la cible (tunnels ?) pour expliquer ses apparitions inattendues.


2019 : PARANOïA

2019. Un contact de l’agent P infiltré au Parti Communiste Chinois a envoyé une série de photos où la cible, 秃  , intervient dans un laboratoire de Wuhan en Chine (Photo 36). Ils auraient quelques problèmes pour contenir un virus. La Direction ne s’inquiète pas outre mesure, il reste encore en France un gros stock de masques acheté pour le virus H5N1. En revanche, l’agent P en est maintenant certain : la cible parvient à se déplacer hors de la zone de surveillance sans qu’il s’en rende compte.

Alors que nos équipes envoyées pour trouver les accès secrets de la résidence drômoise sont revenus bredouilles, l’agent P montre des signes de fébrilité devant la bonhommie de la cible (Photo 37). L’agent P pense que la cible le nargue personnellement.

Après la défaite de Donald Trump aux élections américaines de 2020, notre algorithme a identifié la cible, mais cette fois au Capitole de Washington, le 6 janvier 2021 (Photo 38). Nos analystes géopolitiques suspectent la cible d’avoir fomenté ce putsch raté pour décrédibiliser Donald Trump et l’empêcher de se présenter à nouveau. Il parait évident que si la cible avait réellement voulu renverser le pouvoir, elle y serait parvenue. L’agent P s’énerve car une fois de plus il ne s’est pas rendu compte que la cible avait quitté sa résidence.

Convoqué en avril 2021 par la Direction pour expliquer son incapacité à prévoir les déplacements de la cible, l’agent P, les yeux cernés, présente une nouvelle théorie : « la cible aurait accès aux serveurs de la DSGI et au système de surveillance installé autour de sa résidence ». L’agent P paraît fatigué et irritable. « Est-ce qu’en fait, depuis le début, ce ne serait pas la cible qui nous surveille ? » demande-t-il, visiblement exténué. La direction ouvre une enquête sur l’agent P pour vérifier s’il ne sombre pas dans la paranoïa.


2022 : CLÔTURE

Après la mise à pied de l’agent P, une nouvelle équipe a repris le dossier, dirigée par l’agent B (issue du Bureau des Renseignements Urticants du Sud). Avec un budget réduit, son objectif est d’évaluer si la cible présente encore un danger pour la République et, sinon, de veiller à l’effacement de nos traces avant de clôturer l’opération « YUL BRYNNER ».

Pour essayer de voir ce qu’il se passe chez la cible, l’agent B tente de faire enlever les arbres bordant son terrain. Mais la cible est trop en alerte et, jusqu’à présent, toutes les stratégies de l’agent B ont avorté (opération toujours en cours).

En mars 2022, la Direction a reçu d’une source inconnue une photo de la cible en provenance du front ukrainien (Photo 39). Depuis l’arrivée de la cible, les troupes russes, dépassées stratégiquement, auraient été repoussées hors de Kiev. Pourtant, l’agent B affirme que la cible n’a pas quitté la Drôme une seule seconde et que, sur la photo, c’est « sûrement un sosie ou un bug informatique ».

Nos analystes pensent que la source inconnue ukrainienne est l’ex-agent P, passé en « mode fantôme » et qui poursuit son enquête, malgré sa démobilisation, sans l’accord de son ancienne hiérarchie. La DGSE émet un mandat d’arrêt international contre l’ex-agent P. Le 4 septembre 2022, l’ex-agent P est arrêté à proximité de la résidence de la cible et mis aux arrêts.

Conclusions de la Direction :

– La cible paraît avoir mis fin à ses activités.

– Rien que l’entretien des salles où sont stockées les archives concernant la cible coûte l’équivalent de deux fonctionnaires par mois (Photo 40). En l’état actuel, nos services ne sont plus en mesure de prolonger une opération d’une telle envergure.

– Clôture de l’opération « YUL BRYNNER ».


ASSAUT FINAL

Incarcéré dans un centre de détention secret, l’ex-agent P continue d’affirmer que la cible nous a mystifié. Avant d’être arrêté, il aurait découvert l’entrée d’un prétendu bunker souterrain. La théorie parait aberrante mais, au vu de la dangerosité passée de la cible, la Direction valide la demande de photos infra-thermiques de la zone.

15 Décembre 2022. Danger pour la République. Réouverture immédiate du projet « YUL BRYNNER » suite à l’analyse des clichés (Photo 41). L’ex-agent P avait raison : la cible nous a mené en bateau. Les photos révèlent l’existence d’un complexe tentaculaire sous la résidence de la cible. Avec les galeries creusées dans la montagne, l’ensemble couvrirait une superficie de 25 hectares. C’est une véritable forteresse, hautement protégée, et pourvue d’au moins huit sorties hors de la zone de surveillance.

Après avoir sorti l’ex-agent P de sa cellule et l’avoir réintégré aux services, la Direction prépare en urgence une mission d’infiltration. L’idée est de former une équipe avec nos meilleurs agents (Photo 42) et de passer à l’offensive au moment où la cible s’y attendra le moins. Objectif : accéder aux dossiers privés de la cible.

25 décembre 2022, soir de Noël. 19h : la cible ne se doute de rien. L’opération « GARAGE » est lancée, mais, à 19h30, déclenchement d’un système de défense caché dans une couverture électrique. À 19h40, incendie de l’entrée secrète et destruction autoprogrammée de toutes les archives de la cible. Échec de la mission.

Recommandations de la Direction :

– Maintenir la cible sous la plus étroite surveillance.

– Haut potentiel de dangerosité confirmé.

– Activer les agents dormants B et V au plus vite.

Fin de transmission.

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